L.E.S. Musulmans est une plateforme collaborative rassemblant toutes les associations et mosquées de France qui souhaitent travailler en commun, ainsi que tous les musulmans qui veulent participer à cet effort, par le biais d’un statut d’adhérent qui leur est dédié.
Le but de cette plateforme est d’œuvrer concrètement au service de tous les musulmans et, plus largement, de l’intérêt collectif. Il s’agit de valoriser la richesse et la diversité des communautés musulmanes en France, tout en répondant aux attentes réelles que les musulmans formulent.
Cette initiative d’ampleur nationale, réunissant des milliers d’acteurs de terrain et des centaines d’organisations, est née de la grande Consultation des musulmans de France, initiée par un groupe de travail en mai 2018. Notre mobilisation, à laquelle plus de 27 000 personnes ont participé, a permis de recueillir puis de restituer fidèlement la parole des musulmans, dans toute leur diversité.
Nous nous plaçons dans une démarche d’intelligence collective des cadres associatifs/religieux et de service aux musulmans, en agissant de manière autonome et constructive, sur toutes les questions qui les touchent.
C’est pourquoi les groupes de travail initiés par L.E.S. Musulmans sont pluridisciplinaires, incluant des responsables associatifs, des imams, des influenceurs, des professionnels, qui mettent leurs compétences, leur savoir faire et leur expertise au service des autres.
Tous les membres de l’équipe ont un attachement très fort à la primauté du bien collectif sur l’intérêt individuel. De manière générale, l’éthique musulmane est son fil conducteur.
Bilan de la Consultation
Un mouvement national et
indépendant, des Communautés musulmanes de France
qui a réuni plus de 27 000 participants
et plus de 200 associations
Retour en images sur la journée historique du 30 septembre, où nous avons posé ensemble les premières pierres de notre plateforme. Si vous n’arrivez pas à afficher la vidéo cliquez ici
Le comité scientifique de la #ConsultationDesMusulmans :
- Fatiha Ajbli, sociologue
- Valérie Amiraux, sociologue et chercheuse détachée du CNRS
- Said Bouamama, militant associatif et sociologue
- Moussa Bourekba, sociologue et chercheur associé au CIDOB
- Reda Choukour, statisticien
- Nacira Guénif-Souillamas, anthropologue et sociologue
- Patrick Simon, socio-démographe et directeur de recherches à l’INED
- Julien Talpin, sociologue et chargé de recherches au CNRS
La #ConsultationDesMusulmans en chiffres :
24 000 participants à la consultation en ligne
Plus de 2 500 personnes présentes aux consultations locales
5 mois de tour de France dans 57 villes, soit 15 000 km
Plus de 120 imams et théologiens
48 personnes mobilisées pour la coordination
150 associations et mosquées partenaires
Distribution agrégée des réponses à la consultation :
Sur les questions de représentation…
Les répondants se sont montrés très critiques à l’égard des institutions existantes – essentiellement le CFCM puisque la Fondation de l’islam de France est plus récente dans le paysage institutionnel et n’a pas de mission de représentation. Seulement 7% des répondants se considèrent représentés par le CFCM et 2% par la Fondation. D’une façon générale, 84% pensent que les instances chargées d’organiser ou représenter (ce qui n’est pas la même chose) le culte musulman sont efficientes. Le résultat n’est pas une surprise mais souligne l’échec patent du CFCM du point de vue des enquêtés. Il est probable que la fraction la plus critique des personnes se considérant comme musulmane se mobilise pour répondre à l’enquête, renforçant de fait la défiance à l’égard des structures existantes, mais l’ampleur des critiques montre qu’elles sont partagées au-delà des opposants les plus mobilisés.
Ainsi, seulement 46% de ceux qui trouvent que les instances font du bon travail se considèrent bien représentés par le CFCM. Le déficit d’image du CFCM concerne donc également les répondants qui donnent crédits aux instances (sans précision). C’est certainement dans la distinction entre organisation et représentation que se trouve le hiatus : on peut compter sur des instances pour organiser le culte, mais pas sur les mêmes pour représenter. Il ne s’agit pourtant pas d’un rejet de l’idée et du principe d’une représentation nationale. Au contraire, comme le montrent les réponses aux questions suivantes :
Le sentiment de ne pas être représentés interroge en conséquence le décalage avec les instances existantes et non le besoin d’une instance nationale qui est nettement exprimé. Par ailleurs, ce n’est pas non plus une question de personnes, puisque lorsqu’on leur demande de citer des personnes par lesquelles ils se sentent représentés, 40% des répondants ne mentionnent aucun nom et les 5 premières personnalités ne regroupent que 25% des réponses.
C’est donc bien le mode de désignation d’une telle instance qui est au cœur des préoccupations.
Pour la très grande majorité des répondants, le choix de structures est d’abord l’affaire des fidèles. 71% des répondants pensent qu’il ne revient pas à l’État de rôle dans l’organisation du culte. Ceux qui sont satisfaits du travail des instances ont une inclination plus étatique : 40% trouvent que l’état doit participer à l’organisation du culte (contre 18% pour les insatisfaits).
C’est bien une posture en phase avec le principe de laïcité qu’adoptent les fidèles, en posant que l’État ne doit pas s’ingérer dans les affaires des cultes et dans leur organisation. Nous sommes bien en présence d’un « Islam de France » se pensant à partir du principe de séparation des cultes et de l’État (et même des États).
Sur le traitement médiatique du fait musulman…
Parmi les relations institutionnelles se trouvent les liens avec les médias. Nous sommes de nouveau en présence d’un décalage massif :
Le traitement médiatique est estimé injuste et déséquilibré pour 96,11 % des répondants (contre 2, 69 % qui en sont satisfaits). Une écrasante majorité des répondants ne se reconnait pas dans l’image qui leur est envoyée d’eux-mêmes et dans la façon dont les médias retranscrivent leur vie et leurs actions. Le mode de couverture médiatique, la concentration sur certains thèmes récurrents construits sur le mode du « problème », l’appel à des pseudos experts ou à des « représentants » auto-proclamés, contribuent à la production d’un décalage entre la réalité des fidèles et leurs représentations médiatiques expliquant en large partie ces réponses négatives.
Sur les besoins et les priorités des musulmans…
Compte tenu du constat critique que nous avons évoqué précédemment, la « représentation des musulmans dans les médias » devient pour 77% des répondants la priorité d’une « instance de représentation/organisation du culte musulman ». La visibilité médiatique des musulmans enregistre effectivement le score le plus important et se place en tête des priorités identifiées ; elle devance même « la lutte contre l’islamophobie », seconde priorité pour 72,4% des répondants.
Sur ce point, les réponses aux questions ouvertes et les consultations locales indiquent que la demande d’une représentation médiatique est accompagnée d’une quête de reconnaissance, inhérente aux groupes minoritaires. Aussi, pour faire suite à la critique établissant le manque de diversité dans les médias, les répondants accréditent l’idée que la « normalisation » des citoyens musulmans passe nécessairement par leur déploiement dans les sphères de pouvoir et de visibilité, mais aussi et surtout par la production d’un récit national plus apaisé et inclusif.
Dans la même logique, « enseigner l’islam », le faire connaitre, constitue la 3ème priorité identifiée par les participants (pour 60,4%). Tout comme la visibilité médiatique des musulmans, « l’enseignement de l’islam » participerait à rendre légitime sa présence, à l’inscrire dans le paysage multiconfessionnel français tout en désamorçant des situations d’ignorance et d’incompréhension parfois destructrices.
La définition des « priorités d’une instance de représentation/organisation du culte musulman » montre que les premières préoccupations des répondants sont de nature politique ; elles concernent avant tout (les obstacles à) leur inclusion dans la société française et visent à régler les problèmes qu’ils dénoncent (un traitement médiatique et politique injuste, ainsi qu’une forme de racisme contemporaine).
Suivent alors des préoccupations et des enjeux communautaires et/ou locaux : financement à éthique musulmane, action sociale et humanitaire, organisation du pèlerinage, des rites funéraires, etc.
Ce sont ainsi des priorités correspondant aux besoins concrets des fidèles qui sont mises en avant, dans les réponses quantitatives et qualitatives.
Sur la reconnaissance des structures et associations existantes…
On retrouve ici, à travers les choix d’association, les priorités identifiées par les musulmans, qu’il s’agisse de la lutte contre l’islamophobie (CCIF), de la structuration et de l’organisation du culte (Musulmans de France), de l’enseignement (IESH ou Havre de Savoir) ou du halal (AVS). On relèvera aussi que quatre des dix associations les plus citées favorablement sont des organisations humanitaires, dont trois dans les cinq premières (Baraka City, Secours Islamique et Syria Charity). Il est important de noter que les répondants citent également très fréquemment des associations locales, mais (puisque locales) celles-ci n’ont pas la même performance numérique que des structures d’ampleur nationale.
7 actions menées PAR et POUR les musulmans, afin de répondre aux questions liées à l’islam en France :
- Action 1 : Création d’une plateforme indépendante des associations et mosquées, sur l’ensemble du territoire : L.E.S. Musulmans. Celle-ci constituera, à partir des 150 premières organisations participantes, le premier maillage d’ampleur nationale. Une organisation horizontale et souple des structures musulmanes.
- Action 2 : Un site internet dédié, avec toutes les informations utiles aux communautés musulmanes. Celui-ci permettra également la diffusion en ligne d’une série de reportages aux quatre coins de la France, afin de rendre compte de l’immense travail des communautés musulmanes sur le terrain.
- Action 3 : Des feuilles de route concrètes et des groupes de travail sur tous les projets qui comptent (financement, hajj, rites funéraires, statut des imams, halal, etc.), en faisant travailler ensemble les cadres religieux, la société civile et les professionnels de chaque secteur.
- Action 4 : Une structuration du local au national (de l’échelon départemental vers une représentation nationale), avec une participation mixte des cadres religieux et des acteurs de la société civile. Les organisations solides reposent sur des liens organiques, plutôt que sur des déclarations politiques.
- Action 5 : Création d’une centrale d’achats, afin de mutualiser les besoins et de réaliser des économies d’échelle sur les grands projets des communautés musulmanes (sols, électricité, matériel pédagogique, etc.). Celle-ci mettra également à disposition des informations pratiques sur chaque marché.
- Action 6 : Une application pour smartphones qui permette d’accéder à des services dédiés (informations pratiques, questions religieuses, etc.), mais aussi de faire des dons avec une meilleure traçabilité et une transparence financière.
- Action 7 : Des formations dédiées aux imams et aux cadres associatifs, afin de mieux les aider à répondre aux enjeux de leur mission (communication, gestion de projets, difficultés de terrain, etc.).
Toutes ces actions sont réalisées de manière collaborative par les structures (associations et mosquées) qui participent à la plateforme, mais également par des femmes et des hommes qui, à leur échelle, souhaitent œuvrer pour l’intérêt commun, avec une attention particulière dédiée à l’inclusion des femmes et des jeunes sur toutes les questions.
Ces « musulmans anonymes » dont tout le monde parle à longueur de rapports et de discours politiques sans jamais leur demander leur avis, forment l’essentiel des équipes qui ont mené à bien cette consultation et préparé les étapes suivantes, avec les cadres associatifs et religieux qui forment la plateforme nommée L.E.S. Musulmans et dotée d’un site dédié (www.lesmusulmans.fr).
L pour libérer les énergies. E pour entraide et excellence. S pour solidarité.
L’ensemble de la démarche s’inscrit dans un esprit constructif et indépendant :
- En direction de l’État, dont nous espérons qu’il saura rompre avec la tentation récurrente d’imposer aux communautés musulmanes ses choix, sa vision, ses interlocuteurs, sans prendre en compte les réalités de terrain et les besoins exprimés par les premiers concernés. Les autorités ont ici l’occasion historique de rompre avec la conflictualité des débats sur l’islam, en faisant confiance aux musulmans pour s’organiser eux-mêmes et en se tenant à disposition pour prendre en charge ses responsabilités, sur les questions techniques et administratives qui le concernent. C’est donc à un rapport franc, constructif et apaisé que nous appelons.
- En direction des fédérations historiques, à qui nous tendons, depuis le début de cette initiative, une main fraternelle, en les encourageant à s’ouvrir et à entendre la parole des fidèles, tout en s’inscrivant dans une approche de service aux musulmans, dans toute leur diversité, des femmes comme des hommes, des jeunes comme des plus âgés, de toutes origines et de toutes sensibilités. Nous espérons, pour leur succès comme pour celui de toutes les communautés musulmanes, qu’elles auront la capacité et la lucidité d’évoluer. Notre démarche ne s’inscrit ni en concurrence, ni en rejet de celles-ci, mais en complément, en proposant une approche différente, au plus près des musulmans.
- En direction de toutes les musulmanes et de tous les musulmans, quelle que soit leur sensibilité, quel que soit leur parcours, quelles que soient leurs opinions, quelle que soit la relation, intime et personnelle, qu’ils et elles entretiennent avec leur foi. Cette initiative est la leur avant tout. C’est leur parole que nous avons souhaité libérer et restituer à travers cette consultation et ce sont leurs besoins et leurs espoirs auxquels les groupes de travail ont cherché à répondre, à travers ce projet.
- En direction du grand public, pour que cette initiative d’ampleur nationale, même si elle concerne en premier lieu les musulmans, soit également l’occasion d’aborder des questions souvent conflictuelles, avec calme, rationalité et sérénité. Nous souhaitons faire œuvre utile et montrer qu’en répondant aux besoins et aux aspirations légitimes des communautés musulmanes, on participe également à la cohésion sociale et à la bonne entente de tous.