Fondation de l’islam : rendre aux musulmans ce qui leur appartient

Paris, le 11 décembre 2018

Nous avons pris connaissance de la décision de Jean Pierre Chevènement de quitter ses fonctions à la tête de la « Fondation des Œuvres de l’Islam de France ».

Au-delà des désaccords que l’on peut légitimement avoir, quant à son action en tant que ministre de l’intérieur puis à la tête de cette institution, nous saluons un véritable geste de lucidité.

La fondation, censée œuvrer à l’amélioration de la condition des musulmans et à l’intérêt commun de l’ensemble des citoyens, par l’éducation, la culture et l’action sociale autour de l’islam, a totalement échoué à impliquer les premiers concernés, au-delà d’un rôle cosmétique et purement symbolique, dans le meilleur des cas.

Sans surprise, les musulmans ont donc jugé très sévèrement l’action de la fondation. Dans le cadre de la grande consultation des musulmans, à laquelle ont participé 27 000 d’entre eux, ils sont ainsi 92% à ne pas se sentir représentés par la fondation dirigée par Jean Pierre Chevènement (dont 80% ont répondu « pas du tout »). Ce constat extrêmement critique est également développé dans les réponses ouvertes au questionnaire, où les répondants dénoncent aussi bien les conditions de nomination du président de la fondation que la gouvernance, l’inexistence sur le terrain et la déconnexion par rapport aux problématiques que vivent les musulmans.

C’est donc un double échec :

  • d’une part lié à la personne (pour rappel, Jean Pierre Chevènement a été parachuté à ce poste sans la moindre consultation ni implication des musulmans)
  • d’autre part à la mission de la fondation qui, malgré des millions d’euros dilapidés et le soutien de l’État, n’a strictement rien changé sur le terrain, si ce n’est une poignée de subventions distribuées et une exposition temporaire, symboles d’une action totalement inaudible des musulmans, puisque ne les impliquant pas.

Dans cette situation, l’État est face à un choix de responsabilité :

Il peut, avec constance, reproduire les mêmes erreurs et, contre un salaire mirobolant, parachuter quelque opportuniste, dans l’interminable liste de ceux qui veulent faire commerce de la condition des musulmans. Les mêmes arrangements en catimini, sans la moindre transparence ni implication des musulmans, aboutiront alors aux mêmes conséquences : un gaspillage de moyens, une frustration grandissante et un maintien du status quo.

Mais l’État peut également, de manière citoyenne et constructive, faire le choix de la transparence, de la compétence et de la légitimité, en considérant une simple évidence :

Il est bien temps de rendre aux musulmans ce qui leur appartient.

En l’occurrence : le choix des orientations et des personnes qui œuvrent sur des questions qui les concernent en premier lieu. Sans parachutage. Sans arrangement politique.

Tout autre choix serait, du point de vue des musulmans, totalement inacceptable et aboutirait, dans deux ans, au même résultat, en abîmant encore un peu plus leur lien et leur confiance en un État qui se sera montré, une fois de plus, incapable de les entendre.

Pour éviter un tel échec, nous proposons une idée simple : laissons les musulmans choisir.

Comme pour toute mission importante, les candidats devront soumettre un projet, clairement identifiable et accessible à tous, quant à ce qu’ils proposent de faire durant leur mandat, en cohérence avec les statuts de la fondation (ce à quoi pourra veiller l’État), en alliant action culturelle, éducative et citoyenne.

Il existe, parmi les millions de musulmans qui vivent en France, tous les talents et toutes les compétences nécessaires.

Sur la base de ces candidatures, la fondation pourra organiser de façon transparente, en ligne et dans des relais locaux, un vote lors duquel les musulmans pourront choisir le projet qu’ils souhaitent voir réalisé.

Ainsi, la fondation tirera une légitimité de ce choix et sera clairement mandatée pour accomplir un projet choisi par les premiers concernés, en conformité avec son objet.

Et pour la première fois, nous pourrons alors dire que la République traite les musulmans comme des citoyens à part entière, capables de décider par eux-mêmes de ce qui est fait en leur nom.

La plateforme L.E.S. Musulmans