Madame, Monsieur le Maire,|

Tout d’abord, nous profitons de cette occasion pour exprimer notre solidarité avec tous les fonctionnaires, les travailleurs, les personnels soignants et les élus qui œuvrent, dans ce contexte de crise majeure, à protéger et à aider nos concitoyens, dans ces moments d’épreuve intense.

Comme vous avez pu le suivre à votre échelle, la situation sur le terrain est dramatique, qu’il s’agisse de l’accueil des malades comme de leur accompagnement, pendant les soins et, le cas échéant, durant leur fin de vie puis la prise en charge des rites funéraires.|

Toutes les régions, toutes les appartenances, toutes les communautés sont concernées par le fléau du Covid 19, qui touche notre pays depuis de longues semaines et sème la mort et la détresse, chez des milliers de familles.|

La communauté musulmane de France ne fait pas exception et se retrouve particulièrement exposée, du fait du manque d’infrastructures funéraires disponibles, aggravé par la surmortalité que cause la crise du coronavirus.|

Des milliers de familles musulmanes se retrouvent ainsi sans solution pour enterrer leurs défunts dans la dignité, d’une part à cause des difficultés de rapatriement des défunts qui ont formulé ce souhait, mais surtout du fait du manque de carrés musulmans sur le territoire national, dans des villes et départements où le besoin est réel.|

Pour ces raisons, nous soutenons l’initiative de la Plateforme inter-associative L.E.S Musulmans, réunissant des centaines de mosquées et associations, qui après avoir mis en place une ligne d’assistance des familles et une cartographie nationale des infrastructures funéraires accessibles aux musulmans, propose et demande aux autorités de faciliter l’inhumation des défunts dans la dignité, pour toutes les obédiences et au plus près de leur souhait. Pour cela, 3 actions simples et citoyennes sont nécessaires 😐

1) La possibilité accélérée de dérogations pour l’inhumation des défunts musulmans dans le carré musulman le plus proche, même lorsque celui-ci n’est pas dans la ville où ils résidaient.|

2) La coordination des inhumations au niveau des préfectures, en bonne intelligence avec les municipalités, afin que les démarches soient plus fluides et les espaces funéraires à disposition soient plus accessibles.|

3) La mise en place de carrés musulmans là où cela s’avère nécessaire, afin que nos concitoyens de confession musulmane puissent être enterrés partout sur le territoire national, conformément aux lois de notre pays et fidèlement à leurs volontés.|

Comme vous le voyez, il y a urgence et cette situation de crise vient poser avec intensité des questions pré-existantes, notamment la nécessité pour chacun de nos concitoyens, d’avoir accès à une mort et à des rites funéraires dignes, dans l’égalité de tous et le respect des volontés de chacun.|

En effet, cette problématique relative à l’inhumation des personnes de confession musulmane dans les carrés confessionnels n’est pas récente et a depuis longtemps été identifiée par les pouvoirs publics. Le ministre de l’intérieur, dans une circulaire du 19 février 2008, encourageait déjà la création et le développement d’espaces permettant de regrouper les différents défunts de même confession en préconisant ce qui suit 😐

« Il convient de signaler que les associations cultuelles sont de plus en plus nombreuses à faire part du dilemme auquel sont confrontées les familles, qui ont à choisir entre le renvoi du corps dans le pays d’origine, considéré comme trop onéreux par certaines d’entre elles, et l’inhumation du défunt en France, sachant que les règles propres à son culte (orientation des tombes, durée illimitée des sépultures, etc.) peuvent ne pas être satisfaites.|

Si le principe de laïcité des lieux publics, en particulier des cimetières, doit être clairement affirmé, il apparaît souhaitable, par souci d’intégration des familles issues de l’immigration, de favoriser l’inhumation de leurs proches sur le territoire français.|

Le maire a en effet la possibilité de déterminer l’emplacement affecté à chaque tombe (CE, 21 janvier 1925, Valès) et donc de rassembler les sépultures de personnes de même confession, sous réserve que les principes de neutralité des parties publiques du cimetière et de liberté de choix de sépulture de la famille soient respectés. Tel était le sens des deux circulaires qui vous ont été adressées en 1975 et 1991.|

Et je souhaite à nouveau appeler votre attention sur cette possibilité, car le développement d’espaces confessionnels me paraît être la solution à privilégier pour résoudre les difficultés qui me sont le plus souvent signalées.|

Pour répondre favorablement aux familles souhaitant que leurs défunts reposent auprès de coreligionnaires, je vous demande d’encourager les maires à aménager, en fonction des demandes, des espaces regroupant les défunts de même confession, en prenant soin de respecter le principe de neutralité des parties communes du cimetière ainsi que le principe de liberté de croyance individuelle ».|

Cette circulaire va dans le sens des précédentes circulaires du 28 novembre 1975 et du 14 février 1991 qui invitaient les préfets à recommander aux maires de leur département « d’user des pouvoirs qu’ils détiennent pour réserver aux Français de confession islamique, si la demande leur en est présentée et à chaque fois que le nombre d’inhumations le justifiera, des carrés spéciaux dans les cimetières existants. »|

L’absence ou le manque d’emplacements dans les carrés confessionnels pour les défunts de confession musulmane a parfois pour conséquence de contraindre les familles, pourtant bien intégrées et ancrées dans le paysage français, à expatrier le corps de leurs défunts vers l’étranger. Cette situation met dans la gêne beaucoup de concitoyens musulmans et les contraint à l’éloignement géographique entre leur lieu de résidence et l’endroit où leurs défunts sont inhumés.|

Il convient donc de faire preuve d’humanité, de compréhension et de bienveillance à l’égard de ces nombreuses personnes qui demandent à ce que leurs proches puissent être enterrés en France dans des carrés musulmans.|

A cette problématique du nombre insuffisant d’emplacements dans les carrés confessionnels musulmans vient s’ajouter le contexte de crise sanitaire que nous traversons rendant complexe si ce n’est impossible le transfert des défunts vers l’étranger.|

Les familles des défunts se retrouvent donc dans une véritable impasse et il paraît urgent de remédier à cette situation. Nous souhaitons donc sincèrement pouvoir compter sur votre soutien dans notre demande, qui est pour nous d’une extrême importance, puisqu’elle signe et symbolise à la fois notre capacité à répondre à la hauteur des enjeux, dans ce contexte de crise, mais aussi la place et la dignité que nous accordons à tous les citoyens, au sein de la République, dans toute leur diversité d’appartenances.|

Notre équipe se tient à votre entière disposition pour échanger sur ce sujet et nous serons particulièrement attentifs à l’évolution de cette situation.|

En vous remerciant pour votre attention.|

Bien cordialement,