🕌 Nous sommes allés à la mosquée de Massy pour voir comment se déroule sa réouverture, le retour des fidèles et son dispositif d’accès très encadré.

 

Abdelhakim Richi est imam à la mosquée de Savigny-le-Temple et conférencier. Si son nom ne vous est pas inconnu c’est sûrement que vous l’avez croisé lors de l’une des nombreuses conférences qu’il donne, en ligne ou en présentiel, ou que vous l’avez découvert sur nos pages le mois dernier. Durant le mois de ramadan, l’imam Richi nous a, en effet, honorés d’une sublime chronique quotidienne intitulée « Voyage avec le Coran » (vous pouvez retrouver les épisodes sur notre page youtube ou sur instagram). Depuis plusieurs années, Abdelhakim Richi exerce également en tant qu’aumônier dans les prisons du sud Parisien. C’est à ce titre que nous l’avons rencontré pour cet entretien exclusif.

1/ Comment et pourquoi avez-vous rejoint l’aumônerie musulmane des prisons ?

Pour ma part, je ne m’y attendais pas ! C’était un concours de circonstance. Un jour, des aumôniers que je connais m’ont dit que j’avais le profil pour exercer cette mission et que ça pourrait m’intéresser. Ils m’ont dit « tiens, on t’a entendu faire les sermons du vendredi, ça serait bien que tu nous rejoignes dans une équipe d’aumônerie ». J’y avais participé une seule fois avec eux. Je me suis dit pourquoi pas. Pour y accéder, il faut faire une formation que l’on peut passer dans différents endroits : le CFCM, l’institut Al Ghazali de la mosquée de Paris ou l’IESH de Paris. Ensuite, il y a une sélection qui est faite sous l’égide du CFCM. Enfin, j’ai fait la demande à l’aumônier national musulman des prisons de France qui est Moulay El-Hassan El-Alaoui et ça a été accepté.

2/ En quoi consiste la fonction d’aumônier exactement ? Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur votre travail au quotidien ?

Ma fonction consiste à accompagner les détenus, à apporter des réponses religieuses et surtout ne pas les juger… ce n’est pas notre rôle de juger. Nous, on est là dans un rôle d’accompagnement et de soutien spirituel et religieux. Donc au quotidien, on a deux grandes missions. D’abord, la mission du vendredi. Il s’agit de mettre en place le sermon du vendredi. Ça se passe sous forme de roulement avec les autres représentants religieux. Par exemple, dans notre prison nous avons une salle qu’on appelle « lieu des cultes » et, comme son nom l’indique, tous les cultes peuvent utiliser cette salle. Cela nous oblige à faire un roulement, avec une semaine A, une semaine B, etc., car il n’y a pas suffisamment d’espace. Pour des raisons de sécurité et de facilité de gestion également, le lieu ne pouvant accueillir que 30 détenus maximum. 

La deuxième mission est de mettre en place les visites, entre nous et les détenus. On reçoit les demandes des détenus dans une bannière réservée aux aumôniers musulmans. On relève régulièrement le courrier, on regarde qui nous a envoyé le message, ce qu’il demande en particulier, etc. Ça peut être des tapis de prière, des horaires de prières, des questions sur un sujet comme apprendre à faire la prière. On répond évidemment à toutes ces demandes.

On essaie de ne pas faire du « social », dans le sens où parfois on nous demande d’être des intermédiaires, d’écrire des courriers, de leur trouver des emplois à l’extérieur pour faciliter leur dossier de sortie temporaire, d’appeler leur famille, etc. Malheureusement, si on le faisait, on serait rapidement submergé et ce n’est pas notre rôle. On ne sert jamais d’intermédiaire, entre les détenus et une instance quelle qu’elle soit. On essaie de rester sur notre rôle premier : celui de servir les détenus sur le volet religieux et de ne pas aller sur d’autres prérogatives qui ne sont pas les nôtres. Pour l’administration, en tout cas sur le papier, nous sommes des personnes qui sommes là pour apaiser et aider. Après il arrive que des membres de l’administration nous perçoivent nous-mêmes un peu comme des détenus. Malheureusement, dans la pratique c’est comme ça que ça se passe. Je ne généraliserai pas, parce que ça se passe globalement bien…mais disons qu’avec certaines personnes, il faut mettre quelques distances pour éviter les soucis.

3/ Comment se noue la relation avec les détenus ? 

Progressivement. Déjà, nous on ne pose jamais de questions sur comment la personne s’est retrouvée en détention, on ne la juge pas. Généralement, quand on respecte bien cela, quand on ne juge pas, les détenus nous font plus facilement confiance. Dès qu’ils voient qu’on leur accorde une certaine confiance, ils commencent à se libérer aussi et, à partir de là, on peut travailler sereinement. C’est simple : s’ils ne nous font pas confiance, il est très difficile pour nous d’avoir une marge de manœuvre pour pouvoir discuter avec eux et leur apprendre des choses sur la religion.

Il y a aussi des mesures de sécurité que nous devons respecter. Par exemple, lorsque nous rencontrons un détenu pour la première fois, on n’y va pas seul, on y va à deux ou à trois. Quand c’est un détenu que nous connaissons de longue date, là on peut se permettre d’y aller seul. Mais il faut savoir qu’avec la crise sanitaire et les règles de distanciation sociale, les visites en cellule n’étaient plus autorisées. Elles ne le sont toujours pas. Donc maintenant les visites ont lieu dans des bureaux dédiés.  Les trois quarts du temps, durant ces visites, l’aumônier ne parle pas et se contente d’écouter pour repérer les besoins du détenu. C’est le détenu qui décide du sujet ou thème religieux dont il veut parler. Et pour installer la confiance, il arrive même qu’on aborde des sujets qui n’ont pas forcément de lien avec la religion comme la vie professionnelle ou même le football pour commencer. Puis, après avoir écouté, on voit ce qu’on peut apporter comme réponse, pour enrichir son regard religieux. Et on essaie aussi, en fonction des besoins et du niveau de chaque détenu, de leur donner des livres. Nous n’avons pas de bibliothèques dédiées à l’aumônerie, donc nous récoltons des dons de livres, notamment à la mosquée. On les distribue aux détenus en fonction de leurs besoins, pour enrichir leur regard religieux que ce soit dans leur pratique ou leur conception de la religion.

4/ On sait qu’il y a trop peu d’aumôniers musulmans en France et que leurs moyens sont limités. À quelles difficultés faites-vous face dans l’exercice de ce métier ?

Les moyens des aumôniers sont effectivement très très limités. Par exemple, on a besoin de livres, de tapis de prières mais on n’a pas les moyens de s’en procurer et d’en distribuer à ceux qui en font la demande. Donc ça, c’est une première difficulté. Ensuite, il faudrait qu’avec le temps, la confiance qui existe entre les aumôniers et les administrations se renforce un peu plus. Ça permettrait de travailler plus en profondeur sur la mission même de l’aumônier, qui est censé apporter un certain apaisement et une certaine miséricorde.

5/ Que diriez-vous pour convaincre des personnes de rejoindre les rangs de l’aumônerie musulmane ? Il y a très peu de vocations alors que c’est une fonction essentielle…

Effectivement, il y a très très peu de gens qui se rapprochent de cette fonction. Une fonction qui est noble, car Allah (Subhanahu wa ta’ala) l’a évoqué dans le Coran, dans la sourate Al Insan : « et offre la nourriture, malgré son amour, au pauvre, à l’orphelin et au prisonnier ». Il y a la nourriture qui remplit le ventre et il y a aussi la nourriture qui remplit le coeur d’espoir. C’est à ça que servent les aumôniers.

Les plus grands arguments sont donc qu’Allah subhanahu wa ta’ala sera satisfait de nous si on fait notre mission correctement. Ensuite, en faisant ce travail, on contribue à améliorer la société dans laquelle nous vivons. Les détenus se retrouvent, en effet, souvent exclus ou à la marge… ils peuvent avoir besoin d’une aide, notamment spirituelle, et l’aide de l’aumônier est bénéfique pour ces personnes.

6/ Depuis quelques années, on associe beaucoup la fonction d’aumônier musulman à la question de la lutte contre la « radicalisation ». En faisant des recherches sur le web, on constate d’ailleurs que la quasi totalité des sujets consacrés aux aumôniers musulmans abordent cette fonction au prisme de la « lutte antiterroriste ». Qu’en pensez-vous ?

C’est vrai que c’est un lien qui est souvent fait par les médias : quand on parle de la détention et des aumôniers musulmans c’est souvent pour parler de la radicalisation. Beaucoup voient dans les détenus musulmans des « terroristes » en puissance, les « terroristes » de demain. Il ne s’agit pas du tout de dire que le risque zéro existe… mais il y a un problème sur la conception même de ce qu’est la « radicalisation ». Ce qui se passe, ce qu’on remarque nous, c’est que la plupart des gens ont du mal à définir le concept de « radicalisation » de manière claire. De quoi parle-t-on exactement ? On le voit, par exemple, lors de nos rencontres avec les administrations pénitentiaires : il y a des difficultés à saisir ce phénomène et à comprendre ce qui se joue pour les détenus musulmans. Si bien que parfois ça peut conduire à prendre des décisions complètement contre-productives. Je me souviens d’une réunion, par exemple, durant laquelle une personne a dit qu’il fallait interdire les livres aux détenus musulmans, sous couvert de la « lutte contre la radicalisation ». Et parmi les propositions de livres à interdire, il y avait « Le Nectar Cacheté » [ndlr : une référence en matière de biographie du Prophète (sws)] ! Un livre qu’on peut retrouver dans toutes les maisons de musulmans ! On voit bien là les amalgames qui peuvent être faits entre musulman et terroriste, entre pratique religieuse et « radicalisation ».

Il faut savoir, par ailleurs que les surveillants de prison sont formés contre la radicalisation mais de manière superficielle. Et c’est à eux, à des personnes qui n’ont pas suffisamment été formées sur la question et qui n’ont pas les ressources nécessaires, qu’on va demander de faire remonter les informations sur de potentiels « signes » de « radicalisation ». Chaque surveillant est ainsi invité à dire ce qu’il voit sur le terrain. Ces informations, même quand elles ne reposent sur rien ou qu’elles ne disent absolument rien d’une quelconque dérive, vont être remontées à la hiérarchie. Une fois en haut, ils regardent ce qui revient souvent et à partir de là, ils utilisent ces éléments pour déterminer si quelqu’un est « terro » comme disent les détenus. Mais ça ne peut pas fonctionner comme ça. Malheureusement, les administrations font très peu confiance aux aumôniers musulmans. C’est dommage. Et ça fonctionne beaucoup de manière ascendante : quand on nous appelle, c’est souvent pour suivre des formations mais on ne nous a jamais rassemblés pour nous demander nos avis, nos suggestions, nos idées. On ne nous a jamais contactés en nous disant « donnez nous des idées. Comment on pourrait faire selon vous pour contrecarrer ce fléau ? Expliquez-nous ce qu’est la “radicalisation” selon vous ? », etc. On prend en compte l’avis de tout le monde : des psychologues, des sociologues, des géopoliticiens…mais on n’a jamais écouté les gens du « juste milieu ». Ça nous fait mal puisque ces incompréhensions nourrissent des amalgames qui sont préjudiciables pour tous les musulmans. 

7/ Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter ? Une question qu’on n’aurait pas posée et qui vous semble importante ?

Oui, dire que la fonction d’aumônier est une fonction noble, difficile mais qui permet de faire de belles rencontres. Elle permet aussi d’aider certaines personnes et c’est important. Nous, nous sommes musulmans, on croit au destin et aux plans d’Allah subhanahu wa ta’ala qui nous met sur le chemin de certaines personnes pour les aider à devenir meilleures. Il nous arrive en effet souvent, de sortir de ces entretiens avec un sentiment de devoir accompli, même après avoir vu ne serait-ce qu’une personne. Parfois on vient les mains vides mais ça fait extrêmement plaisir parce que les détenus sont très contents qu’on soit venu les visiter. Ils sentent qu’on le fait parce qu’on a de l’estime pour eux et une certaine confiance. C’est comme ça qu’on rend cette confiance : en visitant et revisitant ces personnes alors qu’au fond, nous n’avons aucun intérêt personnel à tirer de cela, si ce n’est pour leur bien-être spirituel et mental et pour qu’Allah subhanahu wa ta’ala soit satisfait de nous. Nous, nous n’y gagnons rien, ni argent, ni notoriété…simplement l’espoir d’avoir aidé des personnes qui en avaient besoin et qui sont souvent oubliées. Et c’est en cela que nous remercions Dieu de nous avoir choisis pour accomplir cette mission et que nous Lui demandons de nous donner la force de perdurer dans cette fonction.

Depuis 6 mois, le Sénat a mis en place une commission d’enquête portant sur la « radicalisation islamiste ».
Une initiative du groupe LR où se sont succédés pseudos-experts et spécialistes autoproclamés.
Une commission qui, au lieu de traiter avec sérieux une question si importante, se transforme très vite en tribune, voire en tribunal islamophobe.

C’est pourquoi la plateforme LES Musulmans, travaille depuis des mois pour relever et décrypter les propos qui ont été tenus, y compris par des ministres.

 

Depuis le début de la crise du COVID-19, les habitudes des musulmans sont bouleversées. Si les mosquées ont progressivement ré-ouvert leurs portes partout dans le monde, une question restait en suspens pour beaucoup de fidèles : « le Hajj aura-t-il lieu cette année ? ». Après de longues semaines d’attente, l’Arabie Saoudite a annoncé ce lundi dans un communiqué, que seuls les fidèles déjà résidents dans le pays pourront participer au pèlerinage prévu du 28 juillet au 2 août 2020. Houssine Al Marfouq, président de la Coordination des organisateurs agréés Hajj de France (CHF), et gérant de l’agence Meridianis Voyages, créée en 2004 et spécialisé dans l’organisation du pèlerinage à la Mecque, a accepté de répondre à nos questions.

1/ Les autorités saoudiennes viennent d’annoncer l’annulation officielle du pèlerinage à la Mecque pour les personnes résidant en dehors du pays. En France, plusieurs agences avaient choisi de prendre les devants en annulant elles-mêmes les réservations de leurs clients et en leur proposant de reporter à l’année suivante, in sha Allah. C’est votre cas. Qu’est-ce qui a motivé cette décision ?

Les motivations des annulations de certains pays et de certaines agences sont multiples, mais la principale raison est la préservation de la santé des pèlerins, ensuite vient la raison financière pour limiter les engagements avec les fournisseurs.

2/ Comment ont réagi vos clients ?
La majorité de nos pèlerins avait émis le souhait de maintenir le Hajj cette année. Une autre partie de nos pèlerins avait choisi l’annulation anticipée principalement pour des raisons de santé.

3/ Les Omras sont-elles concernées par les mêmes mesures ?
La Omra est suspendue depuis le 26 février 2020. On espère un allègement des restrictions sanitaires afin de permettre une reprise des Omra dès le mois d’octobre 2020.

4/ Au-delà de la possibilité même de faire des voyages, est-ce que cette crise sanitaire a changé quelque chose dans votre manière de travailler et de préparer ces départs ?
Oui, d’abord l’ajout d’une clause dans le contrat qui détaille ce cas de force majeure.Par exemple, l’émission d’un avoir en cas de pandémie. Il n’y aura pas de changement majeur sur l’organisation, car pour réserver des prestations, notamment hôtelières et aériennes, il faudra toujours verser des acomptes indépendamment des risques. Enfin, si cette pandémie perdure dans le temps, même de manière limitée, il faudra qu’on s’adapte aux recommandations sanitaires des autorités saoudiennes.

 

Si l’on devait choisir trois mots pour décrire Samra Seddik, on parlerait sans hésiter de son sourire, de sa générosité et de cette incroyable bienveillance qu’elle dégage et décline dans tout ce qu’elle entreprend. Sage-femme depuis 12 ans, mariée, mère de 3 enfants, elle est aussi la fondatrice de l’association « Un Petit Bagage d’Amour » qui accompagne les femmes en situation de précarité qui attendent un bébé. Dans cette interview, elle revient pour nous sur son parcours, les raisons qui l’ont poussée à se lancer dans la vie associative et l’impact de la crise sanitaire sur son métier.

Est-ce que tu peux te présenter ? 

Je m’appelle Samra Seddik, j’ai (presque) 36 ans, je suis mariée et maman de 3 enfants. J’exerce le métier de sage-femme depuis 12 ans, et suis en parallèle la présidente de l’association Un Petit Bagage d’Amour. Je suis également membre de deux associations : MU, les sciences de la santé au cœur de l’humain, et A2S (Avenir Santé Solidarité).

En quoi consiste le métier de sage-femme exactement ?

Le métier de sage-femme englobe plusieurs aspects du suivi de la femme. Le versant le plus connu étant celui autour de la maternité et de l’accouchement : le suivi de grossesse (consultations pré-natales, échographies obstétricales, préparation à la naissance et à la parentalité, suivi du travail et pratique de l’accouchement, consultations post-natales, rééducation périnéale). Toute femme ayant un projet de grossesse peut également consulter une sage-femme pour un bilan pré-conceptionnel. Mais elle peut également suivre toute femme dans le cadre du suivi gynécologique de prévention, quel que soit son âge. Ainsi nous voyons les jeunes filles pour des missions de prévention (explications anatomiques, contraception, sexualité, etc.). Et les femmes pour le suivi gynécologique (frottis, dépistage du cancer du sein, ménopause, etc.). Il existe également des sages-femmes sexologues. Nous exerçons dans des structures très diverses : hôpital public ou privé (services : maternité, salle des naissances, planning familial, procréation médicalement assistée, gynécologie, etc.), maisons de naissance, libéral, PMI (protection maternelle et infantile), enseignement.

Pourquoi tu as choisi cette voie ? 

Je souhaitais faire des études de médecine, et lors du concours de première année, il y a la filière maïeutique (sage-femme) dans les choix. Je ne connaissais pas du tout le métier de sage-femme avant d’entrer à la faculté. J’avais un peu cette même image que beaucoup de personnes ont de ce métier : la femme qui pratique les accouchements, et ça s’arrêtait là.

J’ai découvert au fur et à mesure que ce métier était bien différent de ce que je pensais, et bien plus varié ! Sans compter que nous étions à cette époque à un tournant dans les compétences de ce métier, les sages-femmes obtenaient chaque année des compétences en plus (encore aujourd’hui, il y a toujours des évolutions : récemment la pratique des IVG, les vaccinations, etc.)

C’est un concours classant. Nous étions plus de 1000 candidats pour 200 places à l’époque. Et mieux on était classé, plus on avait le choix de la filière où on souhaitait aller : médecine, odontologie ou maïeutique. C’est donc par mon classement que j’ai intégré l’école de sages-femmes par la suite. Cette phrase d’Oscar Wilde résume totalement mon parcours lors du concours : « Il faut toujours viser la lune car même en cas d’échec on atterrit dans les étoiles ». Je visais donc médecine, j’ai atterri sage-femme.

On sort d’une crise sanitaire majeure, quel impact cela a eu sur ton travail et ton rapport aux patients ? 

Cette crise majeure a eu différentes conséquences sur mes habitudes de travail.

Déjà, une grande partie de notre activité a dû être annulée, tout ce qui était considéré comme « non urgent » (rééducation périnéale, suivi gynécologique de prévention, sexologie…).

Donc à la place, avec mes collègues, on s’est mises à faire plus de visites à domicile, soit parce que les patientes avaient trop peur de se déplacer à l’hôpital ou à notre cabinet, et d’être contaminées par le Covid, soit parce que les maternités raccourcissaient leur séjour afin qu’elles restent le moins longtemps à l’hôpital qui était un lieu « à risque », et nous devions prendre le relais pour le suivi des mamans et de leur nouveau-né en post-partum (accompagnement à l’allaitement, visites pédiatriques, etc.)

Nous avions également plus de consultations d’urgence (pour les mêmes raisons : les patientes préféraient se déplacer à notre cabinet plutôt qu’à l’hôpital).

Enfin, cette crise nous a fait découvrir les vidéos-consultations (qui ont été prises en charge à 100% par l’assurance maladie durant la crise) : pour les consultations dont la présence de la patiente n’était pas indispensable en présentiel, nous faisions toute la consultation à distance, dans la mesure du possible (consultations de grossesse, renouvellement de contraception, etc)

Également pour la préparation à la naissance et à la parentalité, nous avons réalisé de nombreuses séances avec des patientes et couples à distance et en groupe, via des plateformes ressemblant à Zoom. Nous avions un rôle très important de soutien psychologique dans cette période compliquée qui était encore plus difficile pour ces patientes qui se trouvaient dans un état de vulnérabilité du fait de la grossesse et qui, d’une part avaient très peur d’attraper ce virus et craignaient pour elles et leur bébé, et d’autre part, ne savaient pas si leur conjoint allait pouvoir être présent pour les accompagner durant ce moment extrêmement important de leur vie : l’accouchement.

Certaines maternités ont interdit la présence du conjoint que ça soit en salle des naissances ou durant le séjour… ce qui a été très difficile à vivre pour ces couples. Ainsi, nous avons eu des patientes qui ont accouché sans accompagnant et sans péridurale, des papas qui n’ont revu leur femme et leur bébé que plusieurs jours après l’accouchement quand la sortie précoce n’était pas possible… C’était vraiment une période très particulière. Et nous avons ressenti, plus qu’à l’accoutumée, un besoin de soutien pour ces couples, tant avant qu’après l’accouchement. La moindre chose qui n’était pas habituelle devenait anxiogène. Je peux dire que cela nous a vraiment rapprochés. Ils nous ont témoigné énormément de reconnaissance pour notre présence durant cette période où ils en avaient le plus besoin. Nous n’avons jamais autant reçu autant de SMS de remerciements en si peu de temps. Sans compter les faire-parts de naissance que nous recevions parfois très peu de temps après la naissance, comme si ces patientes voulaient nous avertir en premier et nous dire « Voilà ! on l’a fait ! mission accomplie ! Merci ! » De plus, j’ai été très touchée par ces nombreux messages de patientes au tout début de la crise, qui ne me demandaient pas de RDV, ni de questions, mais juste « prenez soin de vous » ou « attention à vous ».

Et quand je repense à tout cela, avec un peu de recul, je réalise qu’il y a des patientes, des couples, que je n’ai jamais vus en réel, qui ne m’ont contactée que pour les cours en vidéo et avec lesquels j’ai quand même tissé de super liens. Ils m’envoient régulièrement des messages pour me dire « toujours pas accouché ! » et je trouve ça juste incroyable ! C’est tellement un privilège d’être de passage dans un tel tournant de leur vie et de me dire qu’ils pensent à me donner de leurs nouvelles sans même m’avoir jamais vue en vrai. Et que peut être mes conseils les aideront dans ce moment unique…

On a pu voir que tu utilises beaucoup les réseaux sociaux pour accompagner les femmes, notamment dans la gestion de leur maternité, pourquoi c’est important pour toi ? 

Alors concernant l’utilisation des réseaux sociaux pour accompagner les femmes dans la maternité, tout a commencé grâce à l’association A2S à laquelle j’ai adhéré en 2015, et dont les missions m’ont tout de suite parlé. Ils font notamment de la prévention envers la population dans divers domaines (dont la maternité qui me concernait). Nous avions un partenariat avec la chaîne Oumma.com et tournions régulièrement des vidéos sur ces thèmes. Mais durant cette période de confinement, j’ai découvert réellement Instagram, et ses « lives ». J’avais des notifications toutes les heures de lives qui commençaient sur différents thèmes. Et je me suis dit « pourquoi pas commencer ? le concept est super ! En plus, c’est interactif ! ». Avec des amies sages-femmes et une gynécologue, nous avons donc sauté le pas. C’était vraiment une période où il y avait une forte demande de la part des femmes. Non seulement du fait du confinement (où beaucoup avaient dû arrêter de travailler et naviguaient donc plus sur les réseaux sociaux), mais aussi du fait du mois de Ramadan qui débutait, avec toutes les questions qui reviennent tous les ans concernant le jeûne et la grossesse, le jeûne et l’allaitement, les menstrues, les métrorragies, etc. Sans compter toutes ces femmes enceintes pour lesquelles les séances de préparation à la naissance avaient été arrêtées subitement par leurs maternités et qui se retrouvaient donc avec beaucoup de questions et d’angoisses par rapport au devenir de leur suivi, la prise en charge de leur accouchement, la place du conjoint, etc. C’était donc important pour mes collègues et moi-même de contribuer à les apaiser et à assurer une sorte de continuité des soins interactive.

Parallèlement à ton activité professionnelle, tu es aussi engagée avec l’association « Un petit bagage d’amour ». Est-ce que tu peux nous en parler ? 

En effet, il y a maintenant 4 ans, j’ai monté l’association Un Petit Bagage d’amour qui vient en aide aux femmes enceintes et bébés dans la grande précarité. À cette époque, il y avait beaucoup de réfugiés qui venaient d’arriver à Paris, c’étaient les tout débuts. Et parmi eux des femmes enceintes qui vivaient sous des tentes. Je travaillais dans un hôpital prenant en charge les femmes enceintes et accouchées dans un versant médico-psycho-social, qui avaient des fragilités. Et il y avait beaucoup de ces femmes qui étaient dans une situation très précaire. J’étais moi-même enceinte de mon deuxième bébé et je venais de préparer ma valise maternité. Il faut dire qu’on prend généralement énormément de plaisir et d’amour à préparer ça, en imaginant son bébé porter les petites affaires qu’on lui a choisies. J’étais de garde et devais transférer une femme enceinte de petites jumelles pour la maternité où elle allait accoucher. Je lui demande donc de prendre ses affaires et sa valise maternité. Là elle me tend un petit sac plastique, avec quasi rien dedans. Elle me dit « je n’ai que ça ». Cela m’a bouleversée. Et ça a été le déclic le soir-même pour la création de l’association.

L’association a pris énormément d’ampleur en peu de temps. Les gens étaient, et sont toujours, très touchés par cette cause qui touche les plus vulnérables de chez les vulnérables : les femmes enceintes et bébés, réfugiés pour la plupart. Avec ma super équipe, nous préparons donc des valises maternité pour les femmes démunies qui attendent un bébé, pour un accouchement dans la dignité, et faisons aussi vestiaire pour leurs frères et sœurs, et pour ces bébés qui grandissent, en leur fournissant tout le nécessaire hygiène, vêtements, et lait maternisé quand les bébés ne sont pas allaités.

Après avoir été hébergée dans un local à Montreuil, gracieusement par un cinéaste qui voulait que « quelque chose de bien se passe dans son futur chez lui avant de débuter les travaux d’emménagement », l’association s’est retrouvée par destin au sein de la grande église Saint Sulpice, au centre de Paris. Nous sommes aidés et soutenus régulièrement par les paroissiens qui nous donnent beaucoup de leur temps et préparent avec nous ces petits bagages d’amour, avec énormément de confraternité et de bienveillance.

Nous avons également une antenne à Pantin, au laboratoire écologique Zéro Déchet, où des choses merveilleuses et magiques se passent. Et des annexes ont vu le jour un peu partout en France ! Le Mans, Rennes, Lille, Pays Catalan… D’autres sont en projet : Marseille, Bordeaux, Toulouse, Reims… Les besoins étant malheureusement partout.

Comment peut-on faire pour vous aider ?  

Vous pouvez nous aider en nous donnant : 

  •  de votre temps ! Nous recherchons toujours des bénévoles pour nous aider dans le tri, la préparation, et la distribution des petits bagages à l’église Saint Sulpice lors de nos permanences (si vous êtes disponibles et intéressés : merci de rejoindre notre groupe Facebook « Les cigognes un petit bagage d’amour service d’aide aux jeunes mères » afin de connaître les dates de nos permanences, qui reprennent progressivement. Cela peut être en semaine ou en week-end en fonction des disponibilités des bénévoles les plus anciennes)
  • de votre argent ! via Paypal « unpetitbagagedamour@gmail.com » ou sur Hello Asso  où vous pouvez adhérer pour nous soutenir et nous permettre de prétendre au statut d’association d’utilité publique. L’argent récolté nous permet de recharger régulièrement nos produits de première nécessité (hygiène bébé et maman, couches, cotons, sérum physiologique, etc.)
  • des vêtements bébés, porte-bébés, poussettes, etc. ! EN TRÈS BON ÉTAT (mais pour le moment les collectes sont en pause le temps de trier tous les dons reçus). Vous pouvez nous suivre sur notre page Facebook et nous vous informerons de la reprise de ces dons.
  • Par ailleurs, notre annexe à Lille recherche un local afin de débuter ses activités. Si vous avez des pistes merci de les contacter sur leur page Facebook.

Merci à Samra et à toute l’équipe d’Un petit bagage d’amour.

N’hésitez pas à les soutenir !

Le 22 mai dernier, le Ministère de l’Intérieur annonçait la réouverture des lieux de culte. Si cette annonce représente un grand soulagement pour des millions de fidèles, elle constitue aussi un réel défi. En effet, dans le contexte de crise sanitaire que nous connaissons depuis quelques mois, la protection et la sécurité des usagers doit être une priorité. Des expériences comme celles de l’Allemagne, où des dizaines de fidèles ont été contaminés après leur participation à un office religieux, nous invitent tous collectivement à la plus grande prudence et à la plus grande responsabilité.

Pour aider les mosquées dans cette phase de déconfinement, la plateforme L.E.S. Musulmans a donc formé un groupe de travail composé d’imams et de plusieurs responsables de lieux de culte afin d’établir la liste des besoins et de proposer des outils d’accompagnement. Si le ministère a publié une série de mesures destinées à tous les responsables religieux, il nous semblait primordial de réfléchir à des dispositifs adaptés au contexte spécifique des mosquées. Ces derniers jours, le pôle MOSQUÉES de la plateforme a donc multiplié les échanges en visio-conférence avec plusieurs imams pour élaborer un plan de sortie. Il en est ressorti plusieurs choses :

  • La création d’un guide pratique destiné aux mosquées afin de faciliter la réouverture des lieux de culte. Ce guide complet, qui a été nourri par un travail d’analyse, de veille, et de concertation, recense l’ensemble des informations à jour. Il contient également une série de recommandations visant à garantir la sécurité de tous les fidèles. Il est disponible : ici.
  • La diffusion d’affiches, pensées pour être concises et complètes, au grand public. Ces visuels doivent faciliter l’appropriation du guide – plutôt long ! – au plus grand nombre, par voie numérique ou sous forme d’affiches disposées directement dans les lieux de culte.

  • L’ouverture d’une ligne d’assistance dédiée aux responsables associatifs souhaitant être conseillés et accompagnés dans la réouverture de leurs mosquées.

Les gestionnaires de lieux de culte ont, de toute évidence, un rôle majeur à jouer dans la mise en application des mesures sanitaires et la protection de tous les fidèles. Mais ce travail ne peut se faire sans la participation active de chacun d’entre nous. Il est ici question de responsabilité collective. Nous le savons, les quartiers populaires – dans lesquels vivent un grand nombre de nos coreligionnaires et où se situent une grande partie des mosquées – ont été particulièrement touchés par l’épidémie du COVID-19. Et parmi les populations les plus fragiles : les personnes âgées qui, comme on le sait, sont nombreuses à fréquenter les mosquées. Protégeons-les en veillant à appliquer et respecter, de la plus stricte des manières, les gestes barrières.

Il y a quelques jours, nous lancions le Projet Nour. L’idée ? Acheter un local, une maison, en Ile-de-France, pour abriter et faire grandir toutes les initiatives visant à améliorer le quotidien des communautés musulmanes en France. Imaginez ce que l’on pourrait faire dans un tel lieu ! Héberger les associations qui travaillent sur ces sujets, organiser des ateliers, des conférences, des projections, des formations, en toute autonomie, sans craindre qu’une tierce personne ne les annule en raison d’une barbe trop longue ou d’un voile trop présent, et disposer, enfin, d’un studio média pour filmer et enregistrer des émissions. Dès le lancement, vous avez été des centaines à manifester votre enthousiasme et à participer à la collecte initiée pour financer le projet. Vous avez été plusieurs aussi, à nous poser des questions, sur le fond et la forme. Nous y répondons dans cette F.A.Q (sous la vidéo) ! Elle sera régulièrement mise à jour afin de continuer à apporter des réponses à vos interrogations les plus courantes.

Pourquoi c’est si cher ?

On est partis sur le choix d’un lieu sur Paris-Ile de France, afin de faciliter les rencontres à l’échelle nationale, être accessible de toutes les régions et en prenant en compte le fait que ce lieu doit aussi permettre d’accueillir un média et des rendez-vous institutionnels. Or ces activités doivent être en proximité directe avec la capitale : la majorité des invités, des élus, des personnalités que nous inviterons ne feront tout simplement pas le trajet. C’est la raison principale pour laquelle toutes les grandes organisations et tous les médias les plus suivis ont leurs locaux sur Paris ou en proximité immédiate. Donc on retrouve les prix moyens de la capitale : 150 m2 environ * 10 000 Euros du m2 -> 1,5 millions Euros. C’est effectivement une somme importante, mais elle est à la fois une économie de loyers, une sécurité pour les associations musulmanes et un investissement de long terme pour l’intérêt collectif.

Est-ce que vous avez déjà trouvé ? sinon, pourquoi vous collectez ?

On a une idée précise du type de lieu et d’emplacement que l’on privilégie, avec quelques biens en vue, mais nous n’avons pas signé de contrat sur un lieu en particulier, pour une raison simple : on ne voulait pas engager financièrement une décision ou l’argent de l’association avant d’avoir collecté une part significative du budget, au risque de perdre l’argent déposé en acompte, qui appartient à tous les donateurs. Donc dès que nous aurons atteint un palier avancé du budget à collecter, nous pourrons nous positionner sur un bien. C’est aussi pour nous l’occasion d’expliquer et de faire murir le projet, sur la base de vos idées et de vos souhaits, afin qu’il soit le plus fédérateur possible.

Pourquoi sur Paris et pas en région ou en banlieue ?

C’est un choix méthodique basé sur l’emplacement et les objectifs que doit permettre d’accomplir ce lieu. Nous avons déjà collectivement de nombreux lieux de culte et d’instituts islamiques en banlieue et c’est très bien comme cela. Même chose en région, avec des centaines de projets que nous soutenons collectivement par nos dons, qui se développent au fil du temps. Ils répondent à un véritable besoin et accueillent bien volontiers des rencontres et des évènements. Mais nous n’avons aucun lieu d’importance sur Paris, accessible aux associations musulmanes et permettant d’accueillir des équipes professionnelles, des réunions, des rencontres publiques ou des formations, ce qui nous rend dépendant de locations parfois précaires et coûteuses. Il est pour nous temps de doter les musulmans d’une infrastructure qui leur manque. C’est tout le sens de ce projet.

C’est pas trop petit ?

Comparé à des projets d’instituts et de lieux de culte en région, effectivement ça peut sembler « petit », mais le prix du m2 varie de 1 à 10 entre Paris et certaines régions. C’est pourquoi nous avons choisi une taille intermédiaire de 150 m2, ce qui pour Paris-Ile de France est déjà une surface conséquente. Par ailleurs, les lieux seront modulables et évolutifs tout au long de la semaine, pour tirer meilleur parti de la surface, là où des structures disposant de plus de surface auraient plutôt opté pour des espaces dédiés à chaque sujet. Avec un bon aménagement et une bonne décoration, le projet Nour répondra aux principaux besoins, sans se lancer dans une acquisition au coût pharaonique.

À quoi ça va servir ?

Principalement trois choses :

1) accueillir les équipes professionnelles de la Plateforme et des associations partenaires, tout au long de la semaine.

2) Le weekend, des conférences et des ateliers pour le grand public.

3) Le soir, des cours, des formations ou des émissions, via le média de la plateforme grâce à un aménagement studio. Comme on le voit, ces trois utilisations s’inscrivent parfaitement dans le plan de développement annoncé par la plateforme (notamment le média) et bénéficient à tous, pour les associations comme pour le grand public.

Est-ce que c’est une priorité, au lieu de financer les mosquées ?

Ça va de pair. Il ne faut pas choisir entre les deux et gérer ces deux priorités avec la même implication. Oui, il nous faut des lieux de culte dignes et al hamdulillah, il y a partout en France des mosquées ou des projets de mosquées en cours de réalisation, mais il nous faut aussi des lieux d’organisation et de rencontre, pour mener des projets et accueillir des équipes. La mosquée ne peut pas seule répondre à tous ces besoins. Or les projets de la Plateforme doivent justement servir aussi les associations et les mosquées : ils doivent être menés de manière sérieuse et professionnelle, dans un vrai cadre de travail. C’est notamment pour cela que les grandes associations généralistes se sont toutes dotées de locaux stables et pérennes. C’est pourquoi nous souhaitons équiper les musulmans d’un lieu qui leur appartient, de manière autonome et pérenne, sans dépendre de personne.

Pourquoi ne pas louer au lieu d’acheter ?

Pour trois raisons principalement :

1) Les locations sont très coûteuses, notamment sur Paris. Lorsqu’il s’agit d’évènementiel ou de rencontres, ces prix deviennent exorbitants. Il nous semblait, en achetant, que l’argent des musulmans serait mieux utilisé sous la forme d’un investissement plutôt que « dépensé » en location, sur le long terme.

2) Les locations sont précaires, car de nombreux bailleurs ou loueurs de salles sont réfractaires à travailler avec des associations musulmanes. On ne compte même plus le nombre de contrats ou de salles annulées à la dernière minute, sous pression de groupes racistes. Ce n’est pas notre manière de voir les choses, pour l’avenir des musulmans. Il nous faut donc un lieu où nous sommes chez nous, en sécurité et non en précarité.

3) C’est le sens de l’Histoire, à partir du moment où on se place dans une optique de long terme, il faut « construire notre maison » symboliquement, en acquérant un lieu qui nous appartient à tous. Ce sera non seulement un investissement de long terme, autonome financièrement, mais aussi un héritage que nous laisserons aux générations futures, qui pourront bénéficier du rayonnement de ce lieu.

La Plateforme L.E.S. Musulmans prend acte de la décision du gouvernement d’autoriser la “REPRISE DES CÉRÉMONIES RELIGIEUSES” dans les lieux de culte à travers le communiqué du ministère de l’intérieur en date du vendredi 22 mai 2020.

Cette décision, qui intervient à seulement 24h de la fête de Aïd el Fitr, permet opportunément de s’en remettre aux responsables religieux et aux associations musulmanes quant à leur choix de rouvrir à cette occasion, faisant ainsi peser sur leurs épaules l’énorme responsabilité liée au risque d’une deuxième vague de propagation du virus.

L’organisation des prières de l’Aïd, qui représente déjà en temps normal un énorme défi organisationnel et humain, devient, dans ce contexte inédit, un enjeu surréaliste.

Le risque sanitaire est toujours bien réel et nous appelle collectivement à la plus grande retenue et à la responsabilité. Or, à ce jour, il apparaît que les conditions sanitaires ne soient pas encore entièrement réunies pour organiser la prière de Aïd el Fitr dans des conditions satisfaisantes.

Ainsi, la Plateforme L.E.S. Musulmans appelle les mosquées de France à faire preuve de prudence en renonçant à organiser la célébration de la prière de Aïd el Fitr en commun.

Si des associations font tout de même le choix d’organiser la prière de Aïd el Fitr, nous leur recommandons de respecter scrupuleusement les mesures sanitaires, à savoir, entre autres, un nombre limité de personnes, une distanciation d’un mètre entre les fidèles, et le port du masque de manière obligatoire.

Dans ce contexte, la Plateforme L.E.S. Musulmans continue d’assister les associations, et en particulier les mosquées, face au défi du Covid-19 afin que cette sortie de crise ne soit pas synonyme de deuxième vague.

À cet effet, nous publierons prochainement un ensemble de recommandations à travers un “Guide de réouverture des Mosquées de France”. En complément, et ce dès aujourd’hui, nous ouvrons une ligne d’assistance dédiée aux responsables associatifs (mail et téléphone). Chaque mosquée pourra ainsi rouvrir ses portes, à son rythme, afin d’accueillir de nouveau les fidèles dans les meilleures conditions.

Dans ces moments de joie fraternelle et familiale que représente la fête de Aïd el Fitr, nous apportons une fois de plus notre soutien plein et entier à l’ensemble des musulmans de France en leur souhaitant un Aïd Moubârak, et en espérant que les efforts consentis durant cette période nous permettent de préparer plus sereinement la fête de Aïd el Adhâ cet été.

Cela va faire 20 jours que les musulmans ont accueilli le mois de ramadan. Cette année, ce mois béni a été précédé d’une crise sanitaire majeure qui a obligé les fidèles et les responsables religieux à aménager et réajuster certaines de leurs habitudes. Parmi elles : l’usage des lieux de culte, les prières collectives, les repas en famille mais aussi les très nombreuses initiatives de solidarité qui, chaque année, accompagnent le mois de ramadan. Les mosquées, entre autres, ont dû s’adapter pour poursuivre leurs missions notamment en termes d’aide alimentaire. Pour en parler, nous avons interrogé Enis Chabchoub, le président de l’association des Musulmans de Noisy-le-Grand.

La plateforme : Cela fait plusieurs années que vous menez des actions de solidarité durant le mois de ramadan. Cette année, le contexte était particulier… Qu’est-ce qui a changé pour vous ?

Enis Chabchoub : Beaucoup de choses, notamment en ce qui concerne l’aide alimentaire. À Noisy-le-Grand, nous avions l’habitude de demander aux familles de préparer des repas et de les amener à la mosquée, pour ensuite faire une distribution après la prière du Maghreb. La mosquée du Champy distribuait en moyenne 100 repas par jour et celle du Pavé neuf, une quarantaine en moyenne. Afin d’éviter les manques ou surplus de nourriture, nous avions mis en place un planning pour que les gens puissent s’inscrire et annoncer ce qu’ils allaient apporter. C’est ce qu’on faisait principalement au quotidien après chaque iftar. Puis pour la fin du ramadan, notamment pour Zakat al Fitr, il y avait une distribution de paniers alimentaires et une aide financière pour les familles qui étaient dans le besoin. Néanmoins, cette année à cause du covid-19, il y a pas mal de familles qui se sont retrouvées dans le besoin. On a donc ouvert cette possibilité de faire des colis alimentaires en plus des repas de rupture du jeûne. Donc des gens peuvent nous faire dons de denrées alimentaires et quand les familles viennent, on leur prépare un panier. C’est face aux difficultés que rencontrent les familles que nous avons pris l’initiative d’ouvrir cette possibilité dès le début du ramadan.

La plateforme : Justement, en parlant des difficultés rencontrées par de nombreuses familles, comment les fidèles vivent ces situations, à la fois les impacts de cette crise sanitaire et le fait de vivre un ramadan confiné ?

Enis Chabchoub : Il y a tellement de niveaux. Pour les personnes âgées, les prières quotidiennes ponctuaient vraiment les journées… et là, c’est vrai qu’être confiné à la maison, c’est assez dur pour elles. Il faut savoir que la prière à la mosquée leur permettait de sortir un peu du domicile et d’avoir une occupation. Donc, il y a une vraie difficulté humaine pour ces gens. À cela s’ajoutent les besoins, les manques financiers. Cette crise a clairement renforcé les inégalités sociales. On le voit : les pauvres sont vraiment beaucoup plus pauvres et ceux qui étaient ric-rac le sont encore plus. Il y a aussi ces familles dont les enfants mangeaient à la cantine, pour des petites sommes, 1 euro, 1 euro 50, et pour lesquels ça constituait parfois le seul vrai repas de la journée. Et bien là, avec le confinement, ça devient un gouffre pour certains ménages, notamment pour ceux qui travaillaient et qui avaient des primes en plus de leurs bas salaires. Aujourd’hui, il n’y a plus de primes et le chômage partiel ne résout pas vraiment les problèmes financiers… Donc voilà, c’est dans ce contexte social qu’on intervient. Et forcément, on a beaucoup de demandes, beaucoup d’appels à l’aide. On a même eu des demandes venant de non-musulmans. Évidemment, comme on ne fait aucune distinction de religion, de race, ou de quoi que ce soit d’autre entre les bénéficiaires, on a répondu favorablement, que ce soit pour des iftars ou des colis alimentaires.

La plateforme : Comment se déroulent les distributions de ces aides dans le contexte que nous connaissons ? 

Enis Chabchoub : Cette année, comme on ne peut pas faire d’iftar dans les mosquées, du fait de la crise sanitaire, on distribue.  Dans chacune des deux mosquées, il y a 100 à 110 repas qui sont préparés chaque soir. Il y a des soirs, par exemple, où nous sommes allés jusqu’à 160 repas préparés mais on essaie, en général, de rester autour des 100 repas. On augmente en fonction de la demande. Les colis alimentaires sont remis au fur et à mesure… ça passe beaucoup par du bouche à oreille. On a toujours des colis prêts dans les mosquées pour être sûr que quand une famille se présente, on puisse lui donner. Quant à l’aide financière, je pense qu’on commencera à la fournir début mai. Pour ce faire, on va procéder en demandant les RIB aux familles qui ont besoin d’un soutien, puis leur virer la somme nécessaire directement depuis la cagnotte que nous avons lancée et sur laquelle nous continuons de récolter des dons.

La plateforme : Combien de bénévoles sont mobilisés en tout ?

Enis Chabchoub : Dans chacune de nos deux mosquées, Champy et Pavé du neuf, il y a à peu près 15 à 20 bénévoles à chaque fois. Cela comprend aussi bien les bénévoles de l’équipe cuisine que ceux qui préparent les paniers repas. On a aussi les personnes qui se chargent de la sécurité à l’extérieur pour maintenir les distances et orienter les gens. Enfin, nous avons les bénévoles qui réceptionnent les colis alimentaires et les distribuent.

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Publiée par Musulmans de Noisy le Grand sur Dimanche 26 avril 2020

Durant cette période de déconfinement progressif en plein mois de Ramadan, les musulmans de France continuent à faire tout ce qu’ils peuvent pour respecter les prescriptions formulées par le gouvernement, tout en pratiquant leur religion dignement.

Ainsi, le jeûne et les prières habituelles sont pratiquées au domicile et le mois béni de Ramadan, habituellement synonyme de rencontres familiales et fraternelles, de prières collectives très suivies et de mosquées remplies… est devenu un mois du confinement, où nous avons tous redoublé d’efforts pour remplacer la joie des moments partagés par le retour intime vers Dieu, pour transformer l’épreuve en opportunité.

Si nous avons accepté de faire tant de sacrifices, si les mosquées et les associations sont restées vides alors que le mois de Ramadan est central dans leur activités, si les familles sont restées séparées, si les gens sont restés chez eux même quand leur situation personnelle en pâtissait, si nous sommes restés loin de nos frères et sœurs, de nos parents et de nos lieux de culte… c’est pour sauver des vies.

Les musulmans ont ainsi, comme toute la population, contribué à l’effort national sur le plan sanitaire, alors même que le mois de Ramadan est pour eux un moment d’une importance particulière. Les organisations musulmanes ont été en première ligne des associations solidaires sur le terrain, pour aider tout le monde sans distinction, tandis que les habituels racistes attendaient avec délectation de pouvoir s’indigner de quelque manquement observé. Ils en sont hélas pour leurs frais. Et avec eux tous les commentateurs et polémistes qui dépendent structurellement de la stigmatisation des musulmans pour exister, réduits à un chômage technique presque salutaire.

Dans ce contexte, nous apprenons que le déconfinement sera appliqué d’une manière à ce que les différents cultes puissent célébrer leurs fêtes religieuses dignement… sauf pour les musulmans.

En effet, le calendrier prévu par le gouvernement autorise la reprise des cérémonies en congrégation qui auront lieu du 28 au 30 mai pour Chavouth et le 31 mai pour la Pentecôte, mais pas pour Aïd El Fitr, alors même que celui-ci doit se dérouler seulement quelques jours auparavant.

Ce traitement différencié des musulmans en France est presque devenu une habitude. Il est inacceptable, incompréhensible, injustifiable.

Que l’on soit clairs : nous sommes ravis pour nos concitoyens juifs et chrétiens qui pourront ainsi pratiquer leur culte dignement, car nous savons la tristesse et la difficulté d’être privés de telles occasions. Mais de deux choses l’une, au niveau du gouvernement :

  • soit il fallait fixer une date claire et ferme, que toutes les communautés religieuses auraient dû respecter strictement, de manière égalitaire.
  • soit il fallait organiser un déconfinement adapté, de manière à ce que chaque culte puisse reprendre ses activités en congrégation progressivement, comme ce sera le cas pour les chrétiens et les juifs de France. Et dans ce cas, pourquoi les musulmans seraient privés et exclus d’un tel dispositif ?

C’est ici le principe et la manière de faire qui sont mis en cause.

Le principe, qui consiste à traiter de manière différente des communautés religieuses.

La manière de faire, qui s’opère sans concertation avec les structures de terrain et aboutit à une confusion totale et à une injustice manifeste.

Dans le même temps, si l’Aïd el Fitr était permis en congrégation, les mosquées et les associations auraient dû trouver des solutions pour reprendre les prières collectives sans mettre en danger les fidèles, notamment les plus âgés. Mais c’est ce qui était déjà prévu, tandis que nous organisions à notre échelle durant les derniers jours un plan de déconfinement progressif et concerté avec les mosquées.

Donc la position de la Plateforme L.E.S Musulmans est la suivante :

1. Nous dénonçons fermement et sans la moindre ambiguïté la différence de traitement dont font l’objet les musulmans de France, qui s’ajoute à une longue série de manquements dans la relation au culte musulman, faite jusqu’ici de contrôle et d’injonction, sans concertation réelle ni relation avec les structures de terrain choisies par les musulmans.

2. Nous invitons les associations et les familles musulmanes à ne pas organiser des prières en congrégation pour l’Aïd et à faire l’effort, par responsabilité et par protection de nos aînés, de fêter cette magnifique occasion autrement. Nous sommes conscients du sacrifice que cela représente, mais nous devons faire preuve de beaucoup de discernement et de discipline, afin de ne pas faire courir le moindre risque de contamination de nos fidèles ou de relance de l’épidémie.

Enfin, à l’entrée des 10 derniers jours du mois de Ramadan, nous adressons aux musulmans tous nos vœux et nos encouragements. Ce sont pour nous des moments d’une ferveur particulière. Que Dieu accepte notre jeûne et nos invocations. Qu’Il préserve nos familles et nos proches et qu’en acceptant de fêter Aïd el Fitr dans nos maisons, Il nous permette de fêter Aïd el Kebir tous ensemble.